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Fusion d'illusion

Publié le par Mathias LEH

Fusion d'illusion

J’ai entendu ta voix. J’ai cru entendre ta voix.

Toute une vie. Un murmure.

Boomerang dans les steppes désertées.

L’appréhension tout d’abord me vide. Âcre réminiscence.

Je n’ai plus crainte, quelle perte de temps !

Je crois me souvenir de toi. Aucun son et si peu d’images, pourtant.

Qu’est-ce que le courage ?

Tu me croyais fort, tu caressais cette idée alors que je sais à présent.

Je n’ai aucun courage, je ne suis pas même téméraire. Ce qui me guide, ce qui fait que j’avance là où tu n’allais, là où peut-être peu vont…

Animale carcasse, animale carapace, corps à jamais donné, toujours perdu…

Fort et grave disent-ils ! Moi, « fort et grave » !!!

Tu sais les nuits de doute et le manque de tout, au fond, en creux. Rongé comme l’acide. J’avance dans la nuit, pousse aux limites car la mort s’est lovée dans chaque cellule, dans le temple d’un corps jamais plus ardent… Je comprends que je n’ai pas peur car je sais y être déjà, et depuis si longtemps !

 

Je ne comprends pas. Rien ne se peut moins. Tu n’es plus là. Tu ne l’as jamais été d’une certaine façon. Il aura fallu les pluies essentielles.

Payer en monnaie de singe.

L’éléphant barrit lentement et je vais à lui, la nuit est tombée, il faut suivre les ancestrales chemins.

Nous n’avons vu aucune lune, tu es parti, tu es mort dans les souvenirs, du berceau à la tombe. Je reste debout, je sacrifie au plus élémentaire des secrets, le plus confidentiel, le creux des mots, de l’oreille à l’interne providence. Je suis mort avec toi, dans cet entrelacs qui nous a balayés par la suite. La mienne est dans une forme étrange de vie, inertie des extrêmes. J’aimerais demander pardon, non pas à toi, et ta voix qui vient n’est que vieille réminiscence, pourquoi savais-je dès le début ce mensonge au creux de nous et l’égarement.

L’oiseau scrute du haut de la branche, je souris, il est des temps où il sait, moi rien.

Aller au pardon, à moi-même, ne jamais faire confiance, ne jamais aller dans la solitude qui reste le seul chemin.

Foule des forêts faussement silencieuses, cueillir des vies, cruel funambule de vies à deux ratées…

Tu n’as rien compris ! Confidences bidons dans les nuits du Nord, tu regardais au-dedans de toi et j’ai cru que tu me regardais, j’ai mesuré l’horreur après le départ, dans le calme de cette nouvelle tourmente. Tu ne voyais que toi, sommes-nous tous ainsi ? Ne le suis-je aussi ?

Le coucou va le nid d’autrui pour y déposer sa descendance, est-il le seul ?

 

Je compte les années, les jours et les minutes, il ne reste pour ainsi dire rien, le mirage de ce que j’aurais voulu que ce soit. Chronique d’une mort annoncée, elles le sont toutes au final !

Observe alors le vol frêle et infini du colibri.

Je garde la tête haute, j’ai grandi ainsi. Le crapaud, le canard boiteux. Tenir ainsi, mon talisman, ma vieille rengaine face au monde. Tu ne changeas rien, le voulais-tu ?

Le soleil m’éblouit, je cligne d’un œil, brûlure, orages…

Des certitudes fondues dans le rouleau d’une vie, le prix du sacrifice fut rude mais je tiens. Chaque jour efface le passé et me rapproche d’un vieil enfant caché depuis si longtemps. Dans la ramure des arbres, au creux des sapins, à la lisière des herbes tendres et folles, griffé par les ronces, battu par les vents, mère nature prends-moi et garde moi en ton sein ! Aux lueurs du matin, étranger, solitaire, dans les pâles étincelles du soir qui tombe… Sursis.

Je n’ai aucun contrôle, je laisse la peur irriguer les plaies, prendre le sang qui gonfle ma tête et mon sexe. Je pars les chemins, je suis perdu et sauvegardé, je sais qu’il n’y a rien au-dessus et ce n’est pas même religion, obsession, possession…

Je suis revenu sur les terres du calme blanc et lent de l’enfance, c’est la seule réconciliation. L’enfant marchait et observait des heures entières la nature et sa sauvage mélopée, l’adulte blessé nage en eaux troubles, court des heures durant et la procession prend toute possession pour cet ultime tour…

Ils disent d’être prudent, je me fous de cette curieuse idée, je dois rythmer et pulser la vie, au-dedans de moi. J’ai mal, le corps parfois hurle, je suis en vie, je suis là, je ne suis pas encore mort et ils peuvent tirer leurs signaux d’alerte. Les convives sont partis, la table est vide, les honneurs ne sont pour moi, je reste dans les bois, à la croisée d’un festin à jamais nu. J’ai happé le nectar noir des framboises, baisé des bois noueux, allongé le pas dans des boues immondes.

Je ne suis pas homme depuis bien longtemps, tu ne m’as pas aidé. Je suis dans une lutte. Pour la vie, pour l’existence et depuis les premiers jours, pris dans ce paradoxal désir de vie et de mort. Peut-être ai-je cru n’aimer que ceux qui revenaient en cette curieuse position, entre vie et mort, entre amour et haine, entre don et cruel retrait ?

A la lune, dans le froid des étoiles scintillantes, j’ai ce corps flaque et cette voix fantasque, ce regard noyé et ce déhanché étrange. Je ne peux que savoir ce que différence veut dire. Je n’ai pas fait de choix. Je n’ai pas milité ma vie. Aller ce destin au creux de soi. Porter en moi l’aventure cavalière, ride écarlate, être en dehors, ne pas être « normal ». Aurais-je un jour fini de croire que cette plaie cautérisera ? La rumeur derrière moi se taire ? Se battre contre le sarcasme des stéréotypes,  tenter de faire partie de la masse sachant que je n’y suis pas, choc imminent. Aveuglement. Il arrive.

Mon canard, la tortue des nuits océanes, je nage et sillonne, je suis nu, il est temps.

Je vois la fin, l’opprobre des différences, marqué au fer rouge.

Une ouverture ? Une percée ? Un havre ? Est-ce là la recherche ? Pourquoi ne suis-je aimé, calmé, compris ? Est-ce possible ? Y croire, une minute au moins, dans la lunule d’une éphémère.

Je ne trouverai pas, je ne cherche pas, plus, je sais l’entrave au fond de moi, mât fracassé dans la tempête enfance.

J’entends ta voix, histoire à dormir debout. Je me raconte des histoires, est-ce suffisant ?

Ma vie n’est pas à se tordre de rire, pas si triste non plus. Il faut bien me croire. Tu n’es plus, tu n’es pas, je ne peux faire place et le pardon est mort un soir sur la grève… Je ne tourne pas rond, qu’importe, du rond je suis sorti dans un vrombissement libellule.

Y a-t-il une promesse, de l’aube au crépuscule ? Prends chaque mot, ils sont si inutiles, je ne dis rien, éclaire une autre vie…

Je sens l’air frais passer mon visage, mes tempes s’irisent, je ferme les paupières. Je sais que le cygne est mort, trop tôt, trop fort. Change moi les idées, viens ma tendre enfance, viens chlorophylle amie, de la martre à la mangouste, je suis le sentier, je cours ton murmure dans les feuilles.

Et je me fous enfin des raisons d’avoir honte !

 

 

 

 

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