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ECLAMPSIE

Publié le par Mathias LEH

LUI

Plongé.

Immergé.

Dans cette course furieuse. Ininterrompue.

Je flotte. Je transperce la couche des mots, l’épiderme.

Ma peau, mon cœur, tout se mêle et s’emmêle et je te perds une première et dernière fois.

Ne me fais pas pleurer, je ne le ferai jamais. J’ai forgé mes armures, mes défenses et mes contre peurs dans le plus profond des nuits d’éther. Ne l’oublie pas. Arrogance ternie sur le bord de ton sourire.

J’aimerais tapisser mon esprit de recul, de petits papiers simples et tranquilles. T’offrir l’enfant que tu as attendu, celui qui t’épaulerait et te donnerait réconfort au sortir des journées longues et accablantes.

Est-ce un drame ?

Il n’y a qu’un coté pour moi, un seul et unique sentier entre le monde et moi. Réel, il ne passe que par toi, les étoiles mêmes n’y comprendront jamais rien.

Haine et amour font ce maelstrom terrible dans lequel je me perds.

A la pointe, dans le tranchant, je suis en eaux troubles, je ne dépends que de toi et je redeviens animal. Plus rien ne résonne, plus rien n’a d’importance, je me rive à ta croix et toi tu t’en vas.

ELLE

Mon petit. Mon gars. Mon enfermement. Ma terre. Mon sang.

Ne te recroqueville pas. Je ne rêve pas. L’enfant et l’homme n’en finissent pas de grandir, ils se bousculent sans cesse…

Je cours la vie comme furie et tu ne facilites pas les choses. Tu as tant de mal à le comprendre. Quand on tombe. Pas de syncope, pas possible, pas le temps, s’inscrire dans le présent et tenter sans cesse futur.

Eclampsie. De toi vers moi. Lumières floues et aveuglantes, sirènes scintillantes.

Je ne comprends pas, je me terre dans ce qu’il me faut faire, je suis dans ce double lien. Toi. L’amour porté. Le lourd tribu des jours, les soubresauts et les attaques. Comment voir venir ?

La confiance est-elle seulement possible ? Est-ce un cadeau à te faire ? Je ne sais, je me perds et pourtant je ne veux pas y penser. Je m’épuise à ne pas y penser. Les mots filtrent et les décisions soudain sont prises.

Je m’en veux alors, de ne pas avoir eu la force. Cette faiblesse au creux, dans les heures pâles du matin, avant le verre de rhum marbré, la cigarette au-dessus de l’évier. Je t’aime. Je veux te voir homme et grand, loin, différent. Mais qu’entends-tu ? Comment te mettre en dehors ? Et cette force qui te ramène à moi, te colle à mes pas et je sais, oui, cela me rend fière à en crever, mon petit homme, ma force, mon roi.

La force vive, brute et rugueuse de tes crises me laisse admirative, je ne devrais pas le dire, je le sens qui remue tout au fond de moi. Cela m’épuise et m’irrigue à la fois. Ton regard qui scintille et je suis vivante !

Quel autre piment dans ma chienne de vie ?

L’AUTRE

A peine.

Fuite.

Le fil rompu. Les mots s’échouent, sentiments trop vifs.

Je ne suis personne.

Je passe. Je donne et prends, m’abreuve à la source de vos pulsations, ce trop de vie, ce bouillonnement. En manque.

Je ne sens plus mon corps de femme. Je ne suis plus mère et les ondes sillonnent tout mon corps perdu. J’avais tout appris, tout mis du bon côté, mettre tout comme il faut.

Chute. Pas d’élixir, je n’y crois pas.

Gronde, rugit, sous ma surface.

Colère face à l’indicible, colère des jolis mots posés comme fleurs fanées sur ma table.

Vous ne pouvez rien, je suis morte en dedans. Foutez le camp !

Et puis ces deux-là, me mettre dans de beaux draps…

Et ne venez pas me baigner encore de toutes vos fausses gentillesses, vos analyses vaseuses. Si j’ai manqué de courage, si j’ai laissé faire, que pouvais-je donc faire d’autre ?

Ma place. Je n’en avais pas. Je me suis insinué malgré moi. J’ai pris maison dans la maison d’à côté, j’ai pris pension loin de ma propre toile, de mes pièges…

LUI

Mes fracas sont dans le coin des portes. Je ne veux, en fait, qu’être avec toi. Dans le creux douillet de notre vie, à l’abri des fracas extérieurs. Vivre seul, être isolé, perdre pied, voilà ce qui me rend dingue ! Les temps morts, les fractions prises entre nous, je ne peux pas. C’est au-dessus de mes forces pas de mes colères !

Je ne contrôle pas, rien dans le froid de mes yeux. La montée des eaux. Toi ce sont les mots qui fusent, me giflent, me réduisent au néant, me posent au sol et me brûlent des heures et des heures.

Toi et moi, partis dans la nébuleuse de mes trips. Confusément trouble. J’aime cela. Tu seras la reine du bal, à jamais. Tu ne comprends pas, tu chantes tes bluettes stupides, faire sa vie, grandir, étudier, je souris mollement, je te vends la mèche de tranquillité mais je dois te le dire, je n’y crois pas. Je ne serai pas celui-là. D’autres s’y usent bien trop depuis la nuit des temps.

L’AUTRE

Echoués sur les pores de nos peaux. Des sentiments, des peurs, des blessures.

Perdus dans la sueur, le grain, l’essence, l’issue.

J’ai engrangé tous ces mots, j’ai pris nos vies en sursis. Je ne parlais pas, ou presque pas. Je ne racontais pas, je restais perdue dans mon labyrinthe. Vos cris, des coups, nos rires, j’ai cru retrouver une surface, nous étions sur un radeau, pas idée de la destination.

J’aime notre équipage, le regard vif et apeuré dans les terres du dedans de l’homme enfant, l’arrogance amoureuse de la mère, l’émoi toujours là. Les plaies jamais ne peuvent éternellement saigner, c’est faux.

Prends soin de la terre qui recouvre, ensevelis ma mémoire meurtrie une fois encore. Un fils puis un autre. Les moissons sont funèbres et nous laisse le ventre et les yeux morts.

Je t’aimerais jusqu’à la fin des temps.

Que cela dure le temps qu’il faudra. J’ai jeté l’espoir aux ronces, dis-moi toi aussi que tu te souviendras, que la joie ne sera que masque dans les ternes heures qui viendront.

LUI

Je ne joue pas. Rien ne peut être feint. Je ne savais faire cela. La voix reste, les empreintes. Suis-je fou ? Dois-je perdre jusqu’au fil de mes pensées pour me réformer ? Est-ce ce que tu veux ? Est-ce pour cela que tu m’as envoyé ici ? Dois-je vivre comme zombi ? Dans cette mort crue, aveuglante de mes mots, ma voix. Ne les laisse plus me prendre, protège-moi, protégez-moi ou je vous tue tous, un à un.

Tuerai personne. Je suis agneau aveuglé. Loup muselé.

Ils prennent la moelle de ce qui me met en vie. Ils tuent le monde, les idéaux se dissolvent, tout s’affadit et je suis dans cette grande pièce vide, blanche et sale. Tu n’es pas là, je vide le contenu de ma vie sur les murs. Je finis par répandre mon sang pour que couleur y soit. Ils viennent. Me donnent des pilules, attachent bras. Pour mon bien, mon bien : allez vous faire foutre !!!

Je ne me venge pas. Je ne serre plus rien au sein de moi, je me sens si vidé, perdu. Hémorragie éternelle, ils sucent tout. Tu ne comprendrais pas. Personne !

La porte s’ouvre. Il me reste un peu, cette pulsation. La lumière. Que de lumière ! Tendre les mains. Tendre le corps. Tendre les muscles.
Je m’élance enfin, je cours et m’électrise, tu le sais, c’est fini mais mes mots restent.

Je suis dans l’arène, dans les limbes, dans l’oubli.

Je ne sais plus rien. Je hante quelques souvenirs et tu recouvres de ta main, es-tu libérée à présent ?

Je t’aime.

ELLE

Je ne connais rien. Je libère les voix qui me hantaient. Quand les lumières enfin s’éteignent alentour. Quand je sais être vraiment seule. Je lâche les chiens. Je me mets à boire, comme jamais.

Est-il un chemin qui puisse calmer ma peine et le flot turgescent de ma culpabilité ?

Je ne suis libérée de rien, pauvre crétin ! Je me rends compte que mon univers est vide, vide à en crever mais je suis là, je n’ai force de continuer que par habitude, un sentier de femme parait-il ! Encore une connerie, non ?

Je sais suis seule. Que je le serai éternellement depuis ta mort et ma responsabilité. Te mettre dans cet hôpital était une folie ? Je ne savais plus, je devais aller au plus pressé, j’ai failli puis j’ai attendu, les quelques semaines sont vite passées, je reprenais le cours du quotidien qui s’était suspendu, je vomissais les secondes dans l’infini du « à faire »… Je te mettais à l’écart, pensant que, comme à chaque fois, tu reviendrais, grandi, rebelle.

Tu as coupé. Tu es tombé. Fracassé.

Je n’ai pas les heures de la nuit assez grandes pour dire, elles défilent et les mots m’asphyxient soudain, je danse sur nos vieux tubes, je ris, je pleure, enfin, et m’endors au petit jour, quelques heures avant de repartir…

Elle est venue, elle part, elle suit le courant familial et ne dit que trop, dans si peu de mots, elle me brûle, je ne peux pas te partager, encore moins maintenant.

Elle est partie.

Restons dans le silence de toi, verse un verre, fume une cigarette, je reste à jamais confondue.

ECLAMPSIE
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