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Sur l'île...

Publié le par Mathias LEH

La mer est de nouveau houleuse aujourd'hui et des bouffées de ce vent lent, doux et tiède viennent me caresser dans la moiteur du midi montant. Les saisons se désorientent. Les sens en émoi dans ce magma tropical. Je ne suis pourtant pas si mal.

Je me suis finalement réfugié sur cette île avec l’adolescent, quelques livres et le fardeau des années passées. Il le fallait bien.

Sais-tu à quel point la vie est étrange au départ ? Ce sentiment d'étrangeté, être ici en restant pourtant ailleurs, ne pas être d'ici, s'attacher peu à peu à ce quotidien et se sentir pourtant en décalage. Je suis un étranger en ces terres humides et chatoyantes. Je ne maîtrise rien de ce qui m'entoure et cela finalement me fera le plus grand bien, humilité parmi les humilités.

Est-ce que le mot "réfugié" convient au final ? Je ne le sais pas très bien, je fuyais quoi si ce n'est quelques démons intimes et imaginaires ? Je voulais nous mettre à l'abri de quoi finalement ?

La nuit, lorsque le vent vient s'infiltrer et qu'ils dorment, l'homme et l'adolescent, je sors avec les chats sur le pas de la porte, j'écoute les grenouilles nocturnes et le chant du monde sous terrain, le criquet taupe sort et poursuit sa route de craquement et de renoncement.

Je vais, pas à pas, sur le long et interminable chemin du souvenir. Je vais de vous à moi, des visages défilent, des moments et je me demande quelle solitude s'inscrit peu à peu dans mon existence. combien de temps la vie peut-elle s'alimenter de mots, de souvenirs, de constructions sans rencontre ? Je me sais capable d'une vie à un. De cet écart. De ces brumes qui alimentent le coeur et l'imaginaire...

Je reviens dans les villes, dans les cités et les lieux qui furent nôtres. Je parcourent le monde des intérieurs, le monde au-delà des océans. Je me peuple de cette nostalgie ronde et douce, ce ronronnement calme, une main maternelle amie se pose alors sur mes tempes...

Il a fallu que je parte si loin pour sentir enfin ce décollement, cette appartenance dans l'absence. Je suis d'ici, de là-bas, je suis un autochtone de nulle part. J'appartiens au vide et à l'éternel renoncement, ce romantisme désuet qui me colle aux semelles comme une odeur âcre de mangue tombée...

Je dois en payer le prix, je suis seul et bien rempli. Je vais ce chemin, pas de croix, d'toiles, je suis bien en ce refuge où rien ne peut être vraiment hospitalier, je traîne ma carcasse, quarante fin d'étés, les bougies fondent, je souris de mes cernes et de ce sourire délavé de soleil. J'accepterai les plaies, je suis venu en connaissance de cause.

Je file les mots dans le firmament d'une nuit martinique. Je vertigine mon mode entre deux lignes. Donne moi la force d'un presque rien. L'écriture comme l'acceptation lente et douce de ce fléau lent et sûr, la mort, ce renoncement, à moitié effacée, à moitié éreintée, ma vie, mon chemin...

Presque rien. Des épluchures. Des flétrissures. Le cri des pipistrelles dans la grotte au bord des flots. Le vol suspendu et si rapide dans le lent des colibris. Les couleurs changeantes.

Presque. La serpentine me regarde et file entre deux rochers, la tortue luth se meut d'entre les bleus lagons métals.

Je viens ce monde, il est mien et ne le sera jamais. Je suis de là-bas uniquement lorsque je n'y suis pas. Vous êtes mon peuple, ma vie et mon essence. Amitiés dans les creux, au fil des rochers, dans le vol des pélicans le soir...

Ma terre, mon exil, mon île est en moi. Je porte le mode en pendentif et donne mon sang. Ne le perds pas...

J'ai quarante ans en cet instant. Ma vie s'oriente soudain dans les vagues du matin, la méduse me salue, ça ne pique pas !

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N
Tellement toi tout ça... ! j'ai hâte de venir te voir...;)
Répondre
M
Viens vite ;) !!!