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Lettre d'absences

Publié le par Mathias LEH

Lettre d'absences

Le ciel se marbre. La lumière perce, strie les nuages. Elle se répand comme peinture sur toile. Les jours sont vides de sens si tu y regardes bien. Ils se moquent éperdument du calendrier. Ils sont temps et évolution, simples, limpides.

Quand la pluie envahi le sol, les airs, je perds pied. Je calme les flots en regagnant une froide raison : revenir à la petitesse de nos pâles existences.

Il en va ainsi de la modernité.

Il en va ainsi de nos vies.

Il en va ainsi du dénigrement sourd et lent, la fonte lente.

Il est un temps où nous sommes en dedans, un autre où il nous faut bien regagner les plaines humaines.

Les routes de la colère ! J’ai senti si souvent mon cœur et mon corps prêts à rompre, j’ai tu dans les succursales.

Toi tu remets ça, tu bats ce terrible balancier, tu veux encore régler tes comptes comme un enfant et je tais la colère, je flaire le feu et prépare les eaux.

N’est-il pas si bas, si cruel et si terne que nous n’ayons pas pu dire simplement le fond des mots, le fond des choses ?

Alors il se joue des airs de parodies, des couplets vides, des haines acides.

Je continue de penser à toi.

Je suis écrit ainsi. Je n’oublie rien.

Les cicatrices. Les marques. Les indices d’une vie. Je ne veux pas laisser cela de côté ou pire encore, en faire des détritus.

Il reste. Il chante des refrains. Je garde souvenirs comme certains photos dans cadres. Des moments chaleur, des moments où je pensais que cela serait toujours… ou presque ! On vieillit !

Les alizés soufflent dru ce matin, je suis ici, je ne suis plus ailleurs, je dois m’inscrire ici, je sais que ce lieu fut symbole de notre fin, je reste là, je suis celui qui souvent reste et s’enterre. Je vais au bout. Tu parlais de ma force d’autodestruction, elle est lente, sourde, brouillonne. Ce qui me sauve…

Je continue de savoir que beaucoup de ce que je pensais est advenu. Je cherchais sans doute la chute, mon amour du vide, mais tu ne m’as pas retenu, tu m’as laissé m’éclater sur le sol.

Etait-ce ta vengeance ? Le prix à payer pour la place qui fut la mienne ?

Comment peux-tu dire aujourd’hui que je te mettais dans mon ombre ? Comment ? Il ne te souvient pas certains de mes combats, combien je t’ai poussé, à partir même, je savais l’étouffement et j’ai toujours cherché, avec maladresse peut-être, à te laisser devenir toi-même. Pour moi, mais cela ne reste que ma vision, tu confonds mon entêtement à rester en dehors d’une partie de toi, et je suis ainsi, ours solitaire pour de bon, je ne veux revenir sur tout, je n’en aurai jamais la force. Penses-tu que je voulais te mettre à terre ? Que je ne t’aimais pas ?

Et si tu ne pouvais supporter de vivre avec quelqu’un qui ait mon caractère ? Mes paradoxes et ma fausse et fabuleuse indocilité ! Je la bouffe chaque jour, si j’avais été plus docile, moins franc ?

Je suis meurtri, je te trouve parfois si injuste depuis l’envoi…

Tellement plein de toi. Vaniteux séducteur parfois si snob ? Toi ou moi ? Le terrible miroir…

Excuse-moi, je ne marche pas les mots pour un flot d’insultes ou un brouhaha narcissique, du moins je tente. Je ne veux pas te laisser piétiner ce qui fut notre amour. Je le garde au creux de moi, dans le train de mes souvenirs. Je le caresse parfois comme un enfant qui n’a pas voulu grandir, mort aux portes de l’adolescence. Comme nous ?

Tu discutes dans les couloirs virtuels, tu vas et je tombe sur tes paroles. Je tombe, littéralement. Comme d’antan, « nan-ni-nan-nan », tu brûles, tu me jettes cela au visage comme ce venin sourd de ta colère lancinante.

Tu ne supportais pas que l’on t’écorche, t’entourerais-tu toujours de ceux qui te révèrent ? Dois-tu à jamais être celui que l’on admire, que l’on aime plus que tout ? Supporteras-tu un jour, vraiment, que l’on soit critique à ton égard ? Acide, acerbe ?

Je ne botte pas en touche, je sais bien que mes propres mots reviendront, boomerang habile.

Colère, frustration, humiliation.

Voilà ce qui pourrait rester, de là je pourrais laisser le serpent se dresser pour un dernier combat, donner à notre amour passé les couleurs de l’âpreté.

Je refuse, tu le sais.

Mais que t’ai-je donc fait pour que tu sois si violent ? N’as-tu pas choisi de me suivre ? N’as-tu pas choisi de me rejoindre ?

Ne gardes-tu pas de ces années de bonnes choses ?

Sois franc et sors de ta belle position de victime, d’artiste blessé !

Tu as été caressant avant que je ne te rende des objets puis cassant et âpre. N’as-tu pas parfois un peu honte ?

Ne vois-tu pas que ton entourage ne m’a pas si bien traité, j’y trouvais largement mon compte, je le sais bien, mais quelle ombre là ?

Pas d’amis, comme la réécriture des années est simple. Je ne suis forcément pas d’accord. Notre vie des derniers mois fut si rude, si terne et violente, sourdement. Nous étions vierges dans ce monde étrange et tu n’as pas fait l’ombre d’un pas. Ta fierté. Ton envie, tes aspirations, il te faut toute la place en fait. Je vois ainsi les choses. Oui. Il te faut toute la place et tu étais forcément en souffrance. Je ne suis pas celui-là.

Tu t’es trompé. Sur toi. Sur moi. Sur nous.

Il te faut un admirateur, une femme docile et tu étais avec un homme rêche malgré les apparences. J’en ai fini de m’excuser d’être moi-même face au rouleau compresseur de ton égo, ton manque de doute.

Tu ne m’as pas protégé. Tu m’as giflé de tes mots sur le corps. Tu as souillé peu à peu, malgré toi, nos années par tes errances caraïbes. Tu as piétiné les engagements, tu ne parles pas de la face trouble. L’argent, le nerf de la guerre disent-ils ! De nous, de notre histoire, je paie. Pourquoi ?

J’ai donc à payer d’anciennes études seul. Te souviens-tu comment je t’ai poussé au départ, comment je t’ai soutenu, les heures de lecture, les discussions… Tu ne remercies pas, tu me craches au visage et tente par tes pirouettes de t’en sortir tête haute.

Alors écoute bien.

Grâce à toi je ne peux pas revenir en France, je ne peux même plus payer un billet d’avion à ma fille quand je le voudrais pour qu’elle vienne un peu à mes côtés, je compte et recompte tout ce qui être retiré. Et toi ? Tu n’as pas même pris la peine de vouloir prendre en charge une partie de cette dette qui était la nôtre mais est devenue la mienne, tu as vite oublié l’homme de parole que tu disais être. Ma plus terrible déception est là. Elle arrive même à la stupéfaction quand j’y pense entièrement. Tu es impudent.

Est-ce enfin le joint de la colère ? Je ne pense même pas, un lieu, une place pour ces mots, que tu n’entends pas, tu vas… Soit, cela ne me regarde pas, plus. Je ne suis pas un ange et tu dois toujours te demander si je ne t’ai jamais trompé… Les mots dans l’ombre, les voilà. Le désir se faisant la malle, les étapes de la fin qui scintillent dans le noir. Les mots au placard, les plaies inutiles. Je le sais, je sais le mal que j’ai fait, je m’en excuserai bien, où ?

Mais je n’ai jamais rien fait, finalement pas ! Aujourd’hui, je pense, tu préfèrerais que je sois celui qui te trompa, la panoplie serait superbe. Eh bien non !

Je sais où je tombe et pourquoi. Je sais pourquoi, à présent, j’ai eu un élan contre toi si violent. Je sais pourquoi l’amour fut mourant, comment la moisissure est venue. Tu ne m’aimais pas. Pas vraiment. Tu m’en voulais trop et tu es venu taper, pas à pas, là où je suis le plus fragile, au corps ! Tu sais que je tiens vaille que vaille, les surfaces chez moi ne sont pas assez poreuses à l’œil nu. L’étouffement.

Je ne te souhaite plus rien. Je ne suis pas en colère. Je garde celui qui fut à mes côtés. Le présent me souffle une halitose insupportable… Si tu pouvais arrêter de diaboliser le passé et ce que nous avions construit, à la sueur de notre amour, car il fut, j’en reste convaincu.