Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

SEUL

Publié le par Mathias LEH

Seul.

Sombre et doux désert.

Face à l’absence.

Pluie douce et tiède. Le comprendras-tu ?

Que je ne suis pas si mélancolique que cela.

Je ne suis pas désespéré.

Je ne suis pas un intellectuel non plus.

Je désire. J’aime et je déteste.

Oh oui, tu le sais bien, je perds tant de temps dans la haine, je n’y peux rien, cela m’occupe. J’attends et je ne sais plus…

Laisser le temps, le laisser s’emporter.

Seul.

Dans les proies du petit matin, dans la nuit, quand tous dorment, quand le temps m’appartient, enfin… Loup des steppes arides.

Il revient, il affleure, par à-coup.

Qu’ai-je fait de toi ? Qu’ai fait de tous ces fantasmes ? Le mystère comme une image.

Le corps du mort. La statue du défunt. Plus rien alors ne me ferait bouger. Me mettre reclus, au cœur du monde, le centre n’en existe pas. Etre avec moi. Au loin et au-dedans.

J’ai pourtant jeté les clefs des armoires qui étaient claquemurées. J’ai entrouverts les portes de mes maisons, mes intérieurs respirent doucement. J’ai cerclé ma vie de bienveillance, peu à peu, le reste suivra ou pas… Des territoires noirs, des refuges et des brumes, forcément j’en garde un peu le goût.

Démuni. On apprend quoi ? On sait quoi ?

Me le diras-tu ?

Des images, arcanes de mes délires, elles flottent mais n’entrent que pour ressortir, les mots sont mes remparts.

Coquelicots, pluie azurée des giboulées, biche au creux du sentier, je me tiens au seuil.

La rumeur passe. Je referme alors toujours la porte, je retrouve la clef, je battis cette forteresse, la peur me gagne, mon cœur accélère.

Tortue, offre cette carapace qui toujours me manqua. Le monde et des éclats, son jugement et sa cruauté ne me mordraient pas, plus.

Jusqu’où pourrais-je entrer en ce passé qui détruit ronge et tisse tout un pan de ma vie ?

La honte. Les hontes. Les heures.

Tapi. Lové au plus profond pour ne pas être anéanti. Raillé. Etiré…

Je tire dans tous les sens, dans les deux, celui de l’amour de soi, de l’orgueil et cette autre voix. Laisser cette parcellisation s’opérer, pas à pas, peu à peu… Les clivages en moi, si puissants, si nombreux… Les prends, un à un. Tout en moi. Je suis parfois si surpeuplé et pourtant si seul. Pluie, contrastes…

« J’veux pas qu’on m’touche ».

Percer rétine du premier qui approchera. Tuer le temps dans l’œuf. Son cœur au bord du vide, la chamarre des heures. Hurler dans la nuit, dans le silence, la honte. Le loup me déchiquète pièce par pièce et je sens. Je sais. Il y a cet oubli. Je le mérite. En partie.

Comment trouver un repli. Comment être invincible, l’oubli, l’impossible oubli. Etre du centre et se faire oublier. Comprendras-tu cet impossible mouvement ?

Qui donnait la vie ? Qui donc la reprend ?

Complaisance dans l’œil noir de ce Narcisse ?

Je vais la route… Petit pd, marche droit, venge-toi, rien ni personne, les rues se suivent, je veux ailleurs, je veux autre, je veux père fort qui borde le chemin, me change, me donne image et virilité de carton, homme pour toujours, corps droit, attirant, attiré par les faisceaux de la stricte normalité…

Se cacher au fond, dans les sombres méandres, tuer tous les désirs, ne pas réfléchir et revenir, le monde n’attend personne…

Je ne t’aime pas petit homme fier et dérisoire. Je ne peux te supporter, comment tolérer de ne pas être ce qu’il faudrait pour que l’on m’aime. Les cartes sont brouillées, dès le départ.

Seul.

J’aurais aimé l’être.

Ils ont pris l’espace et même le temps. Est-ce possible ? Puis-je ainsi le dire ?

L’amour quitte les plages. Je me sens enfin seul. Tranquille. Je ne veux et ne peux plus vivre ainsi collé. Lové. Je fais de la honte mon lit, comme tout le reste. Je suis là, je suis ainsi, je ne referai rien, impossible oubli, impossible chirurgie. Je ne rêverai plus aussi fort. Les draps… Les heures… Les nuits…

Avec moi.

Donne.

Dans la solitude des pas allongés, dans la solitude des heures salées.

J’affronte le mal, il est mien, je prends le serpent et avale le venin. Ne vous approchez pas. Il ne sert de rien. Ce n’est personne. Ce n’est pas mon passé, ce ne sont pas mes présents. Les pires histoires découlent des interstices de la pensée, des délits de l’imago, je vais en ma demeure. Seul.

Je ne rêve plus. L’idéal git. Au fond du jardin. Dans les herbes hautes, je ne le chasse pas, il m’est nécessaire, malgré tout…

Prends ma main, allons dans les eaux de cette trouble fête aquatique. Te souviens-tu, tu luttais avec tant de courage et d’empressement. Tu as souvent réussi à entraîner les autres dans ta course… Il est collé à ta trace, il serre ton souffle, embrasse tes mots, il est toi, pas à pas. Tu es fier et hautain, soudain, n’en as-tu donc pas honte ?

J’élève les bras, simplement, je me précipite, lentement, je quitte les hautes collines voisines, j’aimerais le monde dans un écrin et je cours, j’élève les bras, encore, plus haut… Je prends élan et : « Hirondelle ! Montre-moi, apprends-moi ! »… Courons les nuages, l’air et le vent, élance ma complainte… Je quitte les anciennes querelles, les forêts de l’enfance, elles sont souvenirs, du bon dans le feutre du silence, du coton et sa dure incompréhensible morsure…

J’offrais mon sang, mes battements. C’en est assez ! Seul !

Dans la turpitude des creuses pierres du devenir. Chante lentement, si doucement, prends le temps. J’aime la berceuse sans mot, sans langue, d’ici à jamais, elle aménage un espace hors le monde, un ermitage à moi seul… Le rêve. Soudain. Il attrape, je lui offre cette caverne.

Ne me laisse jamais partir complètement. J’en mourrai probablement. La peur ne se situe pas là. Elle s’inscrit dans la vie. Ce terrible crime à mes héritages lointains.

Le manque : fronton familial. La seringue, la bouteille et l’amour. Armes d’abattage massif.

Caché. Gâché.

Peut-être.

La belette dort. Mon père est mort. Je voudrais m’arrêter. Les jambes qui tirent. Les arbres défilent. Le froid me griffe. Le clocher égrène les heures dans le vide.

Vie dissolue. Vie à moitié. Vie avancée. Vie en devenir. Vie et choix. Lancer dans le vide ? Tout est vide. Le plein de nos pensées. Viens.

Comme la mère est loin. Je descends sur la grève. Je contemple ce royaume qui fut le mien, la nostalgie me quitte. J’aime le bruit des hautes futaies, le clapotis des vagues est terminé. Il faut du temps pour s’en passer.

Le savais-tu ?

Mon amour.

L’amour.

La morsure de cette aube féline et ressurgie, je découpe les sensations, je donne mon corps, je prends et je laisse en pâture. Je ne me savais pas. Il est là, le chat en moi feule, il attaque ce festin, seul, à lui. Ne venez pas, jamais, il en fut de trop. Il est un cadavre découpé dans l’ombre des châssis, je le connais, je le contemplais et il a brûlé, nonchalamment, autrefois.

Tout devient possible.

Je marcherai vers toi. Seul. J’attacherai ma main à la tienne. Seul. Je repartirai pour mieux revenir. C’est ma solution. Ma sortie des puits, des trouées. Ne te trompe pas, j’aimerais toujours les forêts et le soir qui tombe, la peur des chemins dans l’ombre, j’ai tué la peur et l’orgueil prend nouvelle stature. Il n’est plus si vengeur. Il donne place à l’autre aux creux des doigts. Ne sommes pas là pour nous écraser les uns les autres. La vengeance est nulle. Elle ne vient jamais. La dette est là. Transparente si tant est que l’on sache enfin regarder à contrejour.

Je ne sais pas écrire je t’aime.

Il me pique ce mot.

Me prend au dépourvu. Ambigu.

Alors prends ce que l’eau me donne.

Les pierres roulent sous la cascade, seuls poissons le savent, je te devine, doux et tranquille, je suis le courant, pour une fois. Je suis la course de pierres silencieuses. Je vais. Je plonge, je suis dans cet éternel pied de nez au raisonnable, éternel fracas à moi-même, équilibre des déséquilibres…

Embrasse-moi. Seul.

Caresse l’éléphant qui m’anime et me peuple tant, peau et défense !

Je suis la rivière. Je vais de la source aux confluents. Libellule prends mon souffle, d’une aile à demi…

SEUL
Commenter cet article