Courir en deux temps, la pluie ruisselle le long de mes tempes. Je croise les eaux...

Courir en deux temps, la pluie ruisselle le long de mes tempes. Je croise les eaux incessantes, je vois le fleuve qui rugit, déborde et s'emporte. Les chemins ne sont plus, il nous faut de l'eau faire un lit... As tu donc vu ce bouillonnement de gris marron où reste l'aquatique miroitement ? Mes jambes me portent, je vois, j'entends et je croise, ce renard surpris comme un jeune chien, ce magnifique cyprès longiligne que rien n'altère ! Des faisans hagards... Père, tu n'es pas là, ton terrain est autre, plus rien de toi, il est loin le temps du passé brûlant, si je ferme les yeux, rentre en ma mémoire, va les limbes tendres du passé... Je cours et les torrents me lavent, une mélancolie du corps, une langueur d'avant et d'après, il faut bien vivre et du mieux que nous pouvons... La nuit approche, les dernières tortues prennent brillance aux creux des marais, je lis dans les nuées, je plie et ne romps pas encore, pas encore, du sable de rivière, la mousse le long de la peau... Viens ma tendre amie, viens nuit rose et languide, renard qui s'ébroue au pied du cyprès, mords mon sang, prends et emporte...